Compte rendu de 3 conférences du 7e congrès FADBEN
I/Claude BALTZ, professeur
en information et communication, à l'université Paris VIII a fait
une conférence le vendredi 8 avril 2005, lors du 7e congrès de la
FADBEN à Nice, sur la cyberculture : " un driver obligé pour
la société de l'information ? ". Le terme anglais "driver"
désigne le conducteur ou chauffeur dans le langage courant. En informatique,
un driver permet de faire fonctionner un nouveau matériel
dans un ensemble existant. Sans le bon driver pas de fonctionner
possible.
Pour Claude BALTZ nous ne pouvons nous intégrer dans notre société
où l'information est dominante sans concevoir un rapport culturel
aux technologies de l'information et de la communication. Ne pas
disposer d'une telle culture revient à manquer d'un " pilote ".
Il faut prendre en compte tous les aspects de cette " cyberculture
" : d'abord l'anthropologie comme science de l'homme dans ses rapports
anatomiques et biologiques puis l'aspect spécifique, ou anthropologie
sociale et culturelle, qui détaille les institutions et techniques.
Pour Claude BALTZ, au delà d'un " fétichisme spécifique ",
il s'agit de " s'orienter dans la société de l'information ".
Toute la difficulté s'explique aussi par l'incapacité que nous avons
à sortir de cette spécialisation qui est le propre des sociétés
où la technique est omniprésente. Sociétés auxquelles nous n'accédons
pas directement, il faut toujours accepter une médiation. L'ordinateur
est l'objet de médiation par excellence entre les individus et à
différents niveaux. Par exemple, un logiciel de messagerie fait
la médiation entre plusieurs personnes.
Il faut tenir compte aussi de cette vision phénoménologique
des choses et des êtres. Nous avons une vision virtuelle du monde
forcément incomplète de par l'immensité des informations. Le nombre
de pages Internet dans le monde ne nous permet que d'avoir une approche
sélective d'un pays, d'une langue ou d'une autre discipline, … L'information
est réduite à un ensemble de signes qui demande un coût énergétique
pour se l'approprier. D'où la nécessité d'enseigner les sciences
de l'information et de la communication pour pouvoir se créer une
cyberculture.
Mais trouver l'information ne suffit pas : vaste problématique
à laquelle est confrontée l'ensemble de la profession des documentalistes
de collèges et lycées. En effet, si quelqu'un réussit facilement
à interroger un moteur de recherche par l'intermédiaire de quelques
mots-clés, il n'arrive presque jamais à assimiler les informations
recueillies. Claude BALTZ résume par cette phrase : " trouver
l'information ne facilite pas la compréhension ".
Pour lui, la pratique des médias peut générer un ensemble de connaissances,
de savoirs spontanés, rarement académiques. Cependant, il est difficile
d'en faire la synthèse, il faut de la maturation, en d'autres termes
une " certaine culture ", faite d'un apprentissage de notions et
concepts généraux transposables dans cet univers informationnel.
Plus concrètement, cela passe aussi par des mises en situation comme
la description de journaux télévisés, la comparaison entre l'information
mise en ligne et l'information sur papier dans le cadre de l'analyse
d'un quotidien, la " lecture " d'un site Internet, …
L'usage des outils informatiques nous pousse à une déréalisation
de notre rapport au monde. Internet, en particulier, nous fournit
une information " brute ", mal classée, peu hiérarchisée, en quelque
sorte une matière première qui est l'objet même de notre discipline.
Les professeurs documentalistes sont au centre de cet apprentissage
des sciences de l'information. Elles deviennent, de fait, une discipline
à part entière. L'information et l'accès à la connaissance ne sont
pas circonscrits aux murs du CDI mais plutôt au monde entier.
Des milliards de pages " web ", d'encyclopédies mises en
ligne, le fonds d'auteurs classiques numérisé, autant d'informations
que l'individu ne peut plus appréhender sans une méthode, une démarche,
une analyse rigoureuses. Pour Claude BALTZ, la cyberculture ou culture
de synthèse est une évidence.
Nous ne pouvons prétendre à l'éducation de nos élèves sans cyberculture,
même minimale. Notre société est conditionnée à l'information. Les
outils informatiques mis en avant par les constructeurs de matériels
et de logiciels et tout une presse, ne sont que des paravents qui
cachent l'information et l'accès à la connaissance. Aussi, en tant
que citoyens et acteurs responsables de l'Education nationale, nous
nous devons d'enseigner les sciences de l'information, en espérant
que soit reconnue l'importance de cette discipline dans les programmes.
II/Jacques PIETTE, professeur
de communication à l'université de Sherbrooke au Québec, a fait
une conférence sur : " le nouvel environnement médiatique des Jeunes
: quels enjeux pour l'éducation aux médias ? ". Cet exposé comprend
trois parties : représentation, utilisation et appropriation des
médias. Quelle est la perception des médias et en particulier d'Internet
par les Jeunes ?
Pour Jacques PIETTE, les résultats d'une étude menée dans plusieurs
pays, montrent que les élèves ont un " enthousiasme sans fascination
". C'est pour eux, un outil de communication. Ils souhaitent
la généralisation des usages par les nouveaux médias. Ils se montrent
cependant, peu impressionnés par l'aspect technologique. L'ordinateur
et le réseau font partie des " meubles ". Pour les Jeunes c'est
une activité dont ils disent pouvoir se passer, du moins temporairement.
" Ni enfer, ni paradis " comme le résume Jacques PIETTE ;
les Jeunes perçoivent l'avancée technologique sans la trouver "
révolutionnaire ".
C'est pour eux un moyen de divertissement et de communication dans
le groupe des pairs. Les travaux scolaires sont échangés par l'intermédiaire
de la toile. La messagerie instantanée est largement plébiscitée
(voir à ce propos le succès de MSN Messenger). On constate
cependant l'utilisation de plusieurs outils de communication : Internet,
téléphone portable, SMS, … Il y a peu de hiérarchisation, aucun
outil n'est privilégié. Il s'agit de s'adapter à la situation du
moment : établissement scolaire, travail à la maison, transports
en commun, …
Les Jeunes adultes se montrent toutefois prudents par rapport aux
informations qui circulent sur Internet : " On peut faire confiance
au réseau, qui n'est pas exempt de dangers " … Sentiment qui
est partagé par leurs parents. Qui plus est, ces derniers se trouvent
moins compétents dans l'usage que l'on peut faire des nouveaux médias.
L'obstacle principal est moins la censure que le coût économique
d'une lecture d'information par Internet.
On constate un relativisme culturel concernant les nouveaux médias.
Télévision, Internet, radio, … sont mis sur le même pied d'égalité.
Si la presse écrite s'en sort mieux dans certaines catégories sociales,
ce n'est pas le cas pour les Jeunes qui la lisent peu. Il serait
cependant intéressant de mesurer l'impact de la presse gratuite
(Métro, 20minutes, Sports, … en particulier) chez ces nouveaux
lecteurs.Les Jeunes éprouvent le besoin d'être mieux préparés à
l'utilisation d'Internet. Les programmes scolaires n'ont pas pris
en compte une formation à l'usage des nouveaux médias. Les professeurs
documentalistes ont un rôle important à jouer dans l'élaboration
et la mise en pratique de ces futures instructions. La FADBEN Paris,
en particulier, renouvelle sa demande de formation des enseignants
documentalistes.
Dans l'utilisation des nouveaux médias et d'Internet en particulier,
différentes caractéristiques ressortent de l'étude dirigée par Jacques
PIETTE. Tout d'abord, les Jeunes adultes ont une utilisation " modérée
et raisonnable " d'Internet. L'excès dans ce domaine est minoritaire.
L'âge est un facteur discriminant bien qu'il soit difficile de conclure
; les pratiques évoluent rapidement. Par contre le sexe n'apparaît
pas comme facteur déterminant ; cependant on constate que les filles
utilisent plus la messagerie instantanée et les garçons les jeux
en réseaux. Les deux sexes confondus ont des pratiques communes
: recherche d'informations, courrier électronique, achats en ligne,
… Si la pratique d'Internet apparaît individuelle, elle n'est cependant
pas la seule. Les Jeunes communiquent par écrans interposés, surtout
entre eux, formant ainsi une communauté de pairs et dialogant peu
cependant avec leurs aînés.
Les parents sont sensibles à la nécessité d'encadrer ces pratiques
et posent certaines limites. Ce qui n'apparaît pas quand on interroge
leurs enfants qui se déclarent libres d'utiliser Internet. Ils n'hésitent
pas à créer leur propre langage, souvent destructuré et appauvri,
ils font des modifications de mots de passe, … Leurs connaissances
informatiques leur permettent d'effacer toutes traces de visites
de sites. Le " surf " sur Internet apparaît comme une " suite de
lieux sans liens ". La culture du " zapping ", le manque de formation
et d'information, ne permettent pas de construire une véritable
relation basée sur la connaissance dans l'utilisation des nouveaux
médias.
L'appropriation d'Internet se fait à la maison et dans les établissements
scolaires. On constate de grandes différences dans l'équipement
des écoles même si elles ont tendance à s'atténuer. Les formations
aux nouveaux médias et aux sciences de l'information sont peu répandues.
Cette discipline n'a pas acquis un statut officiel. La recherche
documentaire sur Internet n'est qu'un complément à un cours donné.
Il n'y a pas d'enseignement de cette discipline pour elle-même.
Or l'Education nationale ne pourra pas faire l 'économie d'une réflexion
sur ce sujet.
En conclusion, la puissance du réseau Internet, les différences
entre pays, l'intérêt porté par nos élèves pour ce nouveau média
de masse sont et seront l'objet d'enjeux importants. La communauté
éducative doit réfléchir à de nouvelles formations, en association
avec ceux qui font les sites ou mettent de l'information en ligne
(sites, par exemple, des journaux d'information). La montée du phénomène
des blogs en particulier montre que nous sommes souvent en
retard et incapables de les intégrer à une démarche éducative. Des
expériences existent, mais elles sont soient méconnues, soient non
reconduites. Il faut repenser le système en prenant en compte ces
avancées et les intégrer à une formation générale aux sciences de
l'information.
III/ La réflexion sur le curriculum
de l'éducation à l'information a permis de confronter différents
points de vue autour d'une table ronde animée par Colette CHARRIER.
Les référentiels et les curriculum peuvent-ils nous aider dans la
formation des élèves à la recherche documentaire ? Pascal DUPLESSIS,
professeur documentaliste dans l'académie de Nantes, a mis en avant
les compétences comportementales, qui sont fonction du contexte
et permettent d'établir un référentiel. Mais c'est surtout Alexandre
SERRES, maître de conférences en sciences de l'information et
de la communication qui a développé une approche plus globale.
Les progrès technologiques de ces dernières décennies ont multiplié
les supports d'information (cédérons, sites Internet, numérisation
des textes classiques, mise en ligne des articles de journaux, …).
Nous avons assisté aussi à une augmentation considérable des publications.
Si bien que pour faire face à ce " déluge informationnel
", les professeurs documentalistes doivent se positionner comme
" orienteurs de sources ". L'élève est forcément désorienté
face à cette " vague " d'informations. Et citant T.S. Elliot : "
où est la connaissance que nous avons perdue dans l'information
? ".
A. SERRES propose de repenser l'enseignement de la recherche documentaire.
En effet, de nombreuses questions se posent : quelle est la validité
des informations recueillies sur Internet ? comment l'élève les
assimile-t-il ?. De l'information à la connaissance : que retient
l'élève ? que comprend il ? A. SERRES met en avant la nécessité
d'une culture de l'information et propose donc une autonomie des
savoirs documentaires. La recherche documentaire n'est plus seulement
en complément pédagogique à une discipline, mais elle s'enseigne
seule. Il faut savoir : chercher, sélectionner, déchiffrer, trier,
valider, évaluer, assimiler, problématiser, … face aux milliards
d'informations circulant sur Internet.
A. SERRES propose une formation, générale et citoyenne, en quatre
parties : tout d'abord, un rappel des repères historiques (les enjeux,
l'évolution, les aspects techniques, …) ; ensuite, une analyse méthodologique
de la démarche documentaire (questionnement, compétences, …), puis
un développement des aspects théoriques (principes, concepts, invariants,
…), et pour finir : la partie technique. Pour A. SERRES, le curriculum
documentaire doit définir un " corpus " de notions, de savoirs et
de compétences. Il faut qu'il y ait un lien entre savoirs documentaires
et savoirs disciplinaires. La formation initiale des professeurs
documentalistes doit être repensée en reconnaissant l'autonomie
des sciences de l'information.
Les nouveaux médias, Internet en particulier, nous entraînent dans
une réflexion à propos de l'information, de nos jours multiple et
variée. A chacun de nous de réfléchir à la façon d'enseigner cette
discipline et de penser aussi à notre propre formation.
Lors du congrès de la Fadben à Nice du 8 au 10 avril 2005, un des
ateliers a eu lieu sur BCDI avec Benoît Siméoni (directeur du CRDP
de Poitiers). Vous trouverez ci- après un compte rendu fait par
un des adhérents de la Fadben Paris qui était présent à cet atelier
:
Le CRDP de Poitiers paye 16 personnes pour s'occuper de BCDI. Depuis
2004, le CRDP perd de l'argent, cela s'explique par le fait que
toutes les académies sont pourvues de ce logiciel excepté l'académie
de Rennes, à l'heure actuelle pratiquement plus aucun logiciel n'est
vendu. Le CRDP décide donc d'adopter le même modèle économique que
les autres éditeurs de logiciels de gestion (comme les logiciel
de gestion de notes EDT ou OMT : de 300 à 600 euros par an). en
faisant payer annuellement un contrat de maintenance comportant
les mises à jour et l'assistance. La mise en application de ce principe
prévue normalement pour 2005 est reportée en janvier 2006.
Actuellement, chaque CRDP reçoit de 20 à 42 % selon les versions
de BCDI achetées par les établissements dans son académie. Pour
les futurs abonnements ce principe de reverser un pourcentage aux
CRDP sera maintenu selon un cahier des charges très précis conclu
entre chaque CRDP et le CRDP de Poitiers.
Si un établissement ne s'abonne pas, les mises à jour et même l'assistance
téléphonique (!) ne serait plus assurée aux non abonnés (sauf les
premières fois). Si un établissement décide de s'abonner une autre
année, il devra payer un rattrapage pour les anciennes années d'abonnement.
Des formules d'abonnement complètes vont aussi être proposées (packs)
comportant en plus du contrat de maintenance des abonnements aux
mémonotices et mémodocnet.
Il y aura 3 tarifs de base pour les collèges et 2 tarifs pour les
lycées (les prix devraient du même ordre à ceux annoncés par les
collègues de l'Indre en janvier 2005, rappel : de 150 à 240 euros
pour un collège de 240 à 300 euros pour un lycée).
A une question posée hors de l'atelier sur un logiciel libre comme
BMP qui pourrait remplacer BCDI , Monsieur Siméoni dit ne pas le
craindre car le CRDP de Poitiers offre des services supplémentaires
et même si le logiciel BMP est gratuit à télécharger, la société
qui l'édite fait payer tous les services (adaptation, installation
et formation).
Mises à jour de BCDI prévues :
A partir du 15 mai, il sera possible de télécharger (gratuitement
!) une mise à jour de BCDI3, qui concerne le module de prêt qui
va se trouver simplifié et grandement amélioré. Un seul écran pour
le prêt et le retour (système d'onglet) avec la liste affichée directement
des ouvrages empruntés, fonctionnalité très simple et très intéressante.
Une autre mise à jour concernera le module BCDI3 web concernant
le panier et la touche F2 (fonctionnalité non présentée sur le stand
BCDI au congrès de la Fadben à Nice).
D'abord je dois reconnaître qu'il est fort difficile de monter
un congrès et que nous devons remercier nos collègues de l'académie
de Nice et le bureau de la FADBEN pour leur travail.Je suis d'accord
avec Alain Zardo sur l'intérêt de nombreuses interventions
MAIS ...
je m'étais inscrite à ce congrès à cause de son thème, "Information
et démocratie : formons nos citoyens !".
On a beaucoup entendu parler d'information mais pas des autres
concepts ? aucune définition, ou alors de façon parcellaire dans
certaines intervention : Un peu dans la première intervention d'Abdel
Aziz Abid, un peu dans certains ateliers. C'est le dernier matin
qu'on s'est approché du sujet et c'est surtout dans la dernière
intervention que le problème a été posé relativement nettement,
mais vu l'heure aucun débat n'a été possible alors que le conférencier
avait donné, de façon provocatrice, par mal de sujets de réflexion
et de débat.
Nous n'avons pas eu de réflexion sur ce que c'est que "la démocratie",
"le citoyen", sur l'utilisation de l'adjectif 'citoyen(ne)". On
utilise ces termes dans toute une série de situations et il aurait
été intéressant de voir ça de près.
Et qu'on ne me dise pas que l'on sait ce que ça signifie parce
que on peut dire que l'information on sait ce que c'est, or on nous
en a parlé, beaucoup, et cela nous a fourni des angles de vue, de
réflexion.
Donc je persiste, le galvaudage des termes cités autour de démocratie
et de citoyen méritait qu'on y réfléchisse que ce soit pour les
définir ou pour voir leurs champs d'utilisation . On aurait pu alors
s'interroger sur les relations entre l'information et la démocratie,
et de notre rôle dans cette thématique.
Si nos élèves de TPE avait traité un sujet ainsi, on leur aurait
dit : "vous n'avez pas répondu à la problématique".